Le narrateur, journaliste spécialisé, veut s'emparer de documents inédits concernant l'écrivain Aspern, qu'il vénère presque autant que Shakespeare. Ces documents recèlent peut-être un chef d'œuvre, une correspondance secrète, un journal, à défaut des révélations sur la vie privée d'Aspern. Ils devraient être essentiels à éclaircir ces " zones d'ombre" qu'un fanatique réussit toujours à cerner chez Son Ecrivain.
Ils doivent se trouver entre les mains de la vieille Miss Bordereau, américaine d'origine française, résidant à Venise avec sa nièce. Miss B est une ancienne maîtresse du maître. Le narrateur réussit à s'introduire dans le palais vénitien occupé par les deux dames en acceptant de louer le premier étage à un prix ridiculement élevé. Quoique ayant voulu passer pour un touriste, il sait que la vieille demoiselle n'ignore rien de ses buts.
La nièce de cette personne, à priori inaccessible, semble gentille et soucieuse du bien de son hôte. C'est à elle que le journaliste, prudent, tente d'exposer son projet. Les affaires vont un peu plus loin qu'il ne le souhaiterait : il promet le mariage à cette jeune personne (un peu sotte, pas très jolie, mais transfigurée par le sang d'Aspern, qui vraisemblablement, coule dans ses veines...)
La vieille Miss Bordereau meurt après lui avoir soutiré beaucoup d'argent pour sa "nièce", mais sans avoir rien révélé sur les papiers supposés en sa possession. Le narrateur découvre que le prix à payer pour l'accès aux précieux documents, dont il n'est plus très sûr qu'ils existent, est au-dessus de ses forces : il ne pourra pas épouser la "nièce".
S'étant détourné de cette femme, après moult promesses, elle lui annoncera sa vengeance : j'ai brûlé les papiers. Avaient-ils une réelle valeur, si toutefois, ils existaient vraiment?
Notre héros conservera un petit portrait "ironique" d'Aspern, qui semble lui dire chaque fois qu'il l'observe: " Je t'ai bien eu".
Ressassant les étapes de son entreprise infructueuse, il se répète qu'il n'a jamais été sûr de l'intérêt des documents en question, ni même de leur existence. C'est à Miss Bordereau qu'il s'intéressait tout en la dénigrant avant même de la connaître. Que désirait-il au juste?
Le malheureux héros de cette histoire, bon journaliste, mais écrivain raté, en est réduit à admirer plutôt que créer, et il lui advient de ne plus savoir quoi dire d'intéressant sur l'auteur dont il est spécialiste et qu'il idéalise à l'excès. Ayant voué sa vie à la littérature, et plus spécialement à Aspern, il en vient à chercher à travers lui à nouer des liens conjugaux et filiaux avec " ses femmes", liens dont il s'est gardé dans sa vie propre.
Mais feu Aspern ne lui donnera rien de ce qu'il désire, car son commentateur zélé le considère comme un père interdicteur sans le savoir. Les deux femmes, elles, en ont l'intuition, et tirent tous les avantages possibles de la situation.
Cette longue nouvelle devrait avoir une morale : « Gardez-vous du culte de la personnalité ».